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Paul ARIES - Site Officiel

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6 septembre 2012

Face à Yann Arthus-Bertrand, Mots-croisés

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5 septembre 2012

Après les élections 2012...chez Taddei

5 septembre 2012

Face à NKM chez Taddei

5 septembre 2012

La question du travail...chez Isabelle Giordano

5 septembre 2012

Face à Claude Allègre chez Taddei

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5 septembre 2012

face à Alain Madelin....chez Taddei

5 septembre 2012

La décroissance : le parti pris de la vie

Les Objecteurs de croissance ne sont ni des durs-à-jouir ni des pisse-froid.  Nous le sommes d’autant moins que tout notre combat est un réflexe de survie dans un monde  voué à la mort. La décroissance est un sursaut d’auto-subversion face à la pulsion suicidaire de la société. Nous campons du côté de la vie car nous savons que le capitalisme ne peut être arrêté que par du non-capitaliste. On ne changera pas ce monde en revendiquant une part plus grosse du gâteau (valeur ajoutée) même si nous préférons que la création de richesses profite aux plus pauvres. Nous opposons le chaos de la vie aux fantasmes de maitrise absolue qui débouche sur la mort. Nous sommes de plus en plus nombreux à être convaincus qu’on ne changera pas ce monde. Mais rien, vraiment rien, ne nous interdit en revanche d’en construire un autre différent à côté. Il nous faut développer à la fois la résistance au système mais aussi inventer des ilots de décroissance, faire que  des pans de vie soient libérée des fers de l’économisme, sauvée de l’insécurité sociale.  La décroissance est ce choix fondamental de l’exubérance de la vie contre celui de la mort.  Le capitalisme comme tout système productiviste est mortifère.  Il tue tout ce qu’il touche. La nature comme la culture. Il brevète le vivant. Il vénalise l’éducation, la santé, la sexualité. Il préfère les aliments irradiés, la cuisine industrielle dite cuisine d’assemblage, les meubles en bois reconstitué,  l’art déshumanisé, les semences rendues stériles, les spectacles morts plutôt que les spectacles vivants. Sa science même est mortifère. Sa biologie a même oublié ce qui fait la vie (les bactéries).

J’ai longtemps cru que les forces révolutionnaires pourrissaient d’abord par la tête (comme les poissons), par manque d’idées, faute d’avoir des théories à la hauteur des enjeux (effondrement environnemental, économique, social, politique, humain…). Je dois confesser qu’elles pourrissent d’abord par les tripes et par le cœur. On ne passe pas en effet impunément son temps à repousser au lendemain du Grand soir le changement des modes de vie. On s’y épuise. On s’y aigri. On y subit défaite sur défaite. On y perd finalement sa rage (de vivre) et son âme. On ne grandit jamais à faire le dos rond même dans l’espoir de lendemains qui chantent. Ces oppositions fakir, capables de dormir dans leur  tombe dans l’attente du Grand Soir ont même fini par douter de leur propre droit à l’existence, de leur propre chance de l’emporter face à la mort. Choisir  la décroissance implique donc de se battre pour la vie, pour le grand désir de vie. Cette formule n’a rien d’une facilité. Elle exige beaucoup de nous, davantage que d’autres combats. Elle laboure  de nouveaux champs. Elle exige que nous acceptions de faire sécession d’avec  ce monde. Elle suppose que nous admettions avoir besoin d’une cure de dissidence pour éprouver la vraie vie. Cette cure de dissidence sera faite de camps retranchés mais aussi de guerres éclairs pour conquérir de nouvelles positions, pour inventer d’autres partages, d’autres sources de joie. Je rêve d’une décroissance qui expérimenterait sans aucune retenue de nouveaux modes de vie. J’ai foi dans la capacité contagieuse de nos idées. C’est pourquoi je suis foncièrement optimiste. C’est pourquoi je peux battre la campagne pour porter nos idées, pour les féconder avec vous tous. J’ai encore plus foi dans la capacité contagieuse de nos actions, dans la puissance de notre créativité. Avant même l’insurrection des consciences, il nous faut prôner l’insurrection des existences. Première urgence donc : entendre qu’un autre monde a déjà fait sécession. Je dis bien à déjà fait sécession. Ne soyons pas comme les tenants du système, de droite comme de gauche, qui pratiquent une politique hors-sol, qui ne voient plus tout ce qui se vit et s’invente au quotidien. La sécession a déjà eut lieu pour des dizaines, des milliers, des centaines de milliers, de personnes. Nous sommes déjà des millions à vivre autrement un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie. Nous sommes déjà  des millions non seulement à ne pas aimer ce monde voué au « toujours plus » mais à le déserter, à le fuir moralement et physiquement.  Je peux l’assurer pour multiplier les rencontres : les voyages au sein des alternatives, des Utopies concrètes sont riches en couleurs. Cette insurrection de la vie vient de tout côté : elle vient des jeunes déclassés, de cette génération des Bac + 5 à 1000 euros qui ne veut plus perdre sa vie à croire au mythe du pays de Cocagne, elle vient de l’inventivité de la langue pour dire nos espoirs (« décroissance », « objection de croissance », « rêve général », «  villes lentes » ou « ville en transition », « sloow food »), elle vient des micro-initiatives, par exemple en matière de micro-crédits solidaires (les cigales), elle vient de ce supplément de vie que donne le fait d’aider les autres (secours populaire, Emmaus, ATD quart-monde), elle vient du plaisir simple d’avoir plus de temps à soi (manifeste des chômeurs heureux, éditions du chien rouge, 2007), elle vient des mille et une façons de se réapproprier son espace de vie, ses cultures autochtones, ses produits, ses paysages (Bernard Farinelli, l’avenir est à la campagne, Sang de la terre, 2009), elle vient de l’importance des identifications collectives pour ceux qui n’appartiennent pas à la Jet-Set (hier cultures de métiers, cultures de classes, aujourd’hui cultures de quartiers dont la bonne société hors sol se moque un peu trop facilement), etc. Cette insurrection de la vie vient aussi des scientifiques qui redécouvrent aujourd’hui l’importance de la coopération dans la nature (réédition de l’œuvre de Pierre Kropotkine) ou dans l’entreprise (Norbert Alter, Donner et prendre, la coopération en entreprise, éditions La Découverte), d’autres savants attirent notre attention sur la gratuité du beau au sein des espèces vivantes (Pourquoi les oiseaux chantent-ils ? Pourquoi le paon se pavane-t-il ? Pourquoi le lion ou le tigre ont-ils une livrée aussi somptueuse, Jacques Dewite, la manifestation de soi, La Découverte, 2010) ? Cette insurrection de la vie vient aussi de ceux qui sont tout en bas dans la société, car comme le rappelait une travailleuse sociale belge, lors d’une conférence récente à Namur, organisée pour les travailleurs sociaux sur le thème « que peut la décroissance face à la pauvreté… »,  dans ce monde du toujours plus,  il y a en effet toujours plus de personnes qui ont de moins en moins, mais ces personnes espèrent, aiment, luttent, s’organisent pour retrouver un sens à leur vie, pour vivre en dehors de l’injonction de la réussite économique, pour être simplement heureuses. Oui, cette travailleuse sociale avait raison de dire qu’on peut être heureux avec moins, pour peu qu’on ait assez. Tous les témoignages disent la même chose : ces pauvres, ces gens de peu, ces marginaux ne font pas seulement de nécessité vertu, ils ne vivent pas uniquement dans la survie économique (comme aurait dit Bourdieu), Ils (re)découvrent, ils inventent, ils partagent du « positif » parfois sans le savoir, parfois en le disant et ils expliquent  alors que cette vie est bien plus importante que le manque matériel.  Tous disent l’importance de la sphère privée : la famille, les amis, les copains. Tous disent l’importance du quartier : le bureau de poste, le café, la boulangerie, la place publique, la sortie de l’école. Tous disent l’importance du discours, de la table, des jeux (cartes ou boules). Je pense à ces femmes d’une banlieue populaire vivant dans la plus grande misère économique, ne pouvant même plus acheter le minimum pour vivre (l’alimentation, les produits d’entretien). Ces femmes (pas différentes au départ de millions d’autres femmes)  ont commencé pourtant par mutualiser leurs achats (leur baril de lessive, leur lot de paquets de pâtes), elles ont ainsi redécouvert le plaisir de se rencontrer, de dialoguer, de cuisiner, de s’inviter mutuellement. Elles ont ensuite démarché leur municipalité pour obtenir un morceau de terrain (pour cultiver un potager). Elles ont enfin créé une association pour venir en aide aux autres, à celles qui sont encore plus bas.

On me dira que tout cela s’invente dans le désordre, que tout cela ne fait pas une masse critique. C’est vrai, mais j’assume totalement ce désordre de la créativité, ce foisonnement d’initiatives sans lien,  car c’est de ce désordre de la créativité que pourra émerger progressivement un monde neuf. Nous n’avons pas  de plan planifié pour changer la vie car nous savons que ce qui compte vraiment, ce qui est aujourd’hui le plus subversif c’est de participer immédiatement à cette abondance de vie. Je refuse donc ce petit jeu sinistre des médias dominants qui consiste à vouloir nous faire répondre aux questions de nos adversaires c'est-à-dire à  raisonner avec eux, comme eux, contre eux mais dans le cadre de leur système de pensée, car faire de la politique autrement ce n’est pas d’abord répondre autrement aux mêmes questions mais inventer d’autres questions, dire que leur questions en sont tout simplement pas les nôtres. Non, nous ne considérons pas le fait de chiffrer nos propositions (sic) comme la chose la plus urgente (d’autres le font très bien notamment concernant les conséquences du partage du gâteau..) : le peuple de Paris a-t-il chiffré les conséquences économiques de la prise de la Bastille ?  Je choisis comme des millions d’autres le bricolage de la vie contre leur froide raison calculatrice. Qui pourrait d’ailleurs savoir à quoi ressemblera ce monde-ci d’ici quelques décennies ?  L’astronome Royal Sir Martin Rees donne une chance sur deux à l’humanité de survivre au 21e siècle. Sir James Lovelock envisage une survie pour quelques centaines de millions d’humains. On peut toujours discuter sur la précision ou l’utilité de ces prédictions mais ce dont je suis certain, c’est que nous sommes de plus en plus nombreux à choisir de vivre autrement, à choisir de vivre en marge du système, à choisir  d’être du côté de la vraie vie. Des millions de personnes ont choisi de vivre de l’économie solidaire et non plus de l’économie marchande, des millions d’autres inventent des formes de vie qui échappent à l’économi(sm)e.  On me demande parfois ce que c’est que d’être décroissant. Ma réponse est simple : c’est être comme le dit Raoul Vaneigem (Nous qui désirons sans fin, Folio, 1998)  du côté de ce qui permet la réalisation de la vie, du côté de ce qui privilégie la valeur d’usage des autres et de soi-même. Ma décroissance est donc simple : c’est cette volonté tenace d’organiser le parti pris de la vie, c’est refuser la dépréciation de la terre mais aussi celle subjective de nos existences. La décroissance est le projet d’une humanité en chair et en os, un projet ouvert aux affects qui composent les individualités, un projet qui accepte nos contradictions et notre part nécessaire d’ombre. La décroissance n’a rien de sacrificielle ni de moralisatrice. Laissons au productivisme le soin d’être une machine à enfanter du manque-à-jouir (en multipliant sans fin les envies et les faux besoins). Lénine disait que le socialisme c’était les soviets plus l’électricité. La décroissance serait-elle la relocalisation, le ralentissement, le partage, le choix d’une vie simple contre le mythe de l’abondance ? Faudrait-il y ajouter  la coopération, l’économie solidaire, le logiciel libre, les monnaies fondantes, la réduction du temps de travail, la joie de vivre, bref tout ce qui peut permettre de vivre mieux avec moins ? La décroissance c’est en effet un peu tout cela, mais c’est aussi plus encore car il ne faudrait pas, par exemple, que nos monnaies locales fondantes finissent par être acceptées chez McDo, il ne faudrait pas que le commerce local devienne celui d’un distributeur franchisé de grande marque, que la réduction du temps de travail aboutisse à renforcer les loisirs postés devant la TV…La décroissance ne se fera pas sans un surcroit de vie, de bonne vie, de vraie vie. Vous me direz que tout cela à un petit air de liste à la Jacques Prévert, un petit goût de bricolage amateur ? Oui, la décroissance c’est l’éloge du bricolage tout comme elle est l’éloge de la lenteur, de la relocalisation, de la coopération, de la simplicité volontaire, de la dé-croyance, du partage, etc. C’est l’éloge du bricolage car le bricolage est affaire d’amateurs pas de spécialistes, parce que le bricolage c’est toujours  la jonction de l’intellect et du manuel, c’est l’esquisse d’un travail sans division du travail,  c'est le droit à la créativité, à l’expérimentation, à l’échec, au partage…C’est l’éloge du bricolage car dans ce domaine chacun amène sa part de vérité, son savoir-faire, sa priorité. Qui pourrait prétendre savoir par quoi consommer dans le but de consommer moins ?  Qui peut croire qu’il existerait une recette unique pour aller vers moins de biens et plus de liens ? Ici, on expérimente la relocalisation en créant comme à Villeneuve de Berg une monnaie locale et fondante, ailleurs, on relocalise par les AMAP, par un jardin partagé, par une coopérative de production ;  là, on créé des clubs d’épargne solidaire en constituant des « cigales », partout en France le mouvement coopératif reprend son envol, avec  le retour des coopératives de production de distribution, de consommation mais aussi l’invention d’autres types de coopératives (d’habitat pour personnes âgées, scolaires pour développer d’autres pédagogies, de réparation de deux-roues).  Quelle fut ma joie récemment à Besançon de croiser le chemin de Lip et de Charles Piaget !  Quel bonheur d’entendre presque 500 personnes vouloir (re)féconder la vie avec cette mémoire ! Je savoure que ce bricolage se développe aussi autant dans le domaine de l’alimentation… partout on se réapproprie des pans entiers de notre agriculture et de notre table avec une alimentation relocalisée, moins carnée, moins gourmande en eau, resaisonnalisée, assurant la bio-diversité…Que vivent les AMAP, les BioCoop, les jardins partagés, que vivent aussi toutes les actions de désobéissance (semis désobéissants organisés par des municipalités comme Grigny, semences paysannes et possibilité de trouver des semences non stabilisées, désobéissance de tant de chefs dans la restauration sociale qui continuent à utiliser des œufs frais par exemple)…que vivent toutes ces initiatives car elles sont du côté de la vie, contre ce que tue notre alimentation. La décroissance aime rappeler avec Action-Consommation que la vraie bio-diversité se cultive au quotidien en plein champs plutôt que d’être conservée dans les frigos des grands labos semenciers.  La vraie vie est d’être du côté de la désobéissance car il y a toujours  de la joie dans le fait de désobéir à des règles absurdes, à des règlements qui tuent les services publics et les biens communs.  Bravo aux enseignants désobéissants qui refusent d’appliquer des programmes néfastes aux enfants. Bravo aux postiers désobéissants qui ne veulent pas devenir des commerciaux de la poste. Bravo aux agents EDF désobéissants qui remettent le courant à ceux qui ne peuvent plus payer. Bravo aux villes qui prennent la décision de réintroduire des fontaines d’eau gratuite, qui optent pour un mobilier urbain convivial, qui pratiquent le droit à la nuit en éteignant l’éclairage public, qui interdisent les animations commerciales sonores, qui créent des services funéraires gratuits… Une autre urgence est de faire connaitre ces expériences individuelles et collectives, de constituer des répertoires de vie dans lesquels puiser des idées  afin de les faire essaimer. Nous sommes des adeptes du bricolage car si nous sommes amoureux des belles choses de la vie nous savons qu’il ne s’agit pas d’en appeler aux professionnels des belles choses mais de nous créer nous-mêmes d’une belle manière. La décroissance c’est l’amour de la poésie mais plus encore d’une vie poétique. Nous ne croyons pas aux lois déterministes qui feraient de la décroissance un avenir certain. Oui, nous souhaitons que fleurissent mille initiatives car nous savons qu’après le capitalisme peut succéder l’hypercapitalisme et après le productivisme encore plus de productivisme. Ce n’est pas être idéaliste que de croire à la puissance de nos idées (comme nous le reprochent des camarades marxistes après la publication de notre dernier Décroissance), c’est être tout simplement du côte des forces de vie, c’est être du côté des forces de la joie. C’est saper  la supposée compétence des experts, c’est dire merde aux déterminismes historiques, c’est le choix de redevenir les artisans de notre vie, c’est enfin  marier partout le nécessaire et le futile.

Extrait d'une conférence

 

4 septembre 2012

Aux origines (lointaines) du sarkophage...le journal L'Immondialisation, novembre 2004, N° 1, 16 pages

L'immondialisation-novembre2004

4 septembre 2012

La gratuité du bon usage, le grand combat du 21e siècle

Faire de la politique du point de vue des intérêts des « gens de peu » (Pierre Sensot), ce n’est pas seulement donner d’autres réponses aux questions dominantes, c’est apprendre à inventer d’autres questionnements, c’est donc ouvrir le système. Il y a urgence à bousculer les différentes familles des gauches et de l’écologie pour les contraindre à faire de la politique autrement.  La gauche est convaincue depuis un siècle qu’il faut d’abord faire croître le gâteau (PIB) avant de le partager. Ce principe est illusoire et…fautif .  La croissance est toujours génératrice d’inégalités sociales. Elle casse les cultures populaires et toutes les formes protosocialistes d’existence. Le grand combat c’est de (re)développer les biens communs, de redevenir des partageux. Les gauches antiproductivistes proposent pour cela de mettre la question de la gratuité (donc celle des communs) au cœur de nos réflexions mais aussi de nos combats. La gratuité c’est déjà bon socialement puisque c’est une réponse concrète à l’urgence sociale, c’est une réponse au mouvement de « démoyennisation de la société », ; c’est une façon de réapprendre à définir les besoins sociaux à partir de la valeur d’usage. On nous dira que la gratuité n’existe pas, que tout à un coût…certes mais raison de plus de faire le bon choix, raison de plus de rendre la parole à ceux qui en sont privés. Nous proposons d’avancer vers la gratuité du bon usage face au renchérissement voire à l’interdiction du mésusage, sans qu’il y ait de définition scientifique ou moraliste. Le bon usage est ce que les citoyens décident : pourquoi payer son eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine privée ? Ce qui vaut pour l’eau vaut pour les autres besoins sociaux. Les collectivités qui interrogent la population vont dans le bon sens : voulez-vous la gratuité du stationnement pour les voitures ou celle de l’eau ? Elles découvrent une autre façon de faire de la politique qui permet de lier les contraintes écologiques  avec le souci de justice sociale et le besoin de reconnaissance. Le colloque co-organisé par Le Sarkophage et la communauté d’agglomération les lacs de l’Essonne montre que beaucoup de choses existent déjà , ici, on commence par la gratuité de l’eau vitale, ailleurs, par celle des transports en commun ou de la restauration scolaire, ailleurs encore par celle des services funéraires, etc. Tous ces petits bouts de gratuité ne font pas une révolution…mais montrent qu’il est possible de vivre autrement. La gratuité c’est également bon politiquement, car c’est une façon de reprendre la main sur la droite et la fausse gauche, c’est rappeler qu’il existe deux conceptions de la gratuité : d’une part une gratuité d’accompagnement du système (la gratuité pour les pauvres) mais cette gratuité-là ne va jamais sans condescendance (est-ce que vous-êtes un pauvre méritant ?) ni sans flicage (est-ce que vous êtes un vrai demandeur d’emploi), et, d’autre part, une gratuité d’émancipation, celle des communs. Ce qui est beau avec l’école publique c’est qu’on ne demande pas à l’enfant s’il est gosse de riche ou de pauvre, mais qu’il est admis en tant qu’enfant. Pourquoi ce quoi est vrai pour l’école ne devrait-il pas l’être pour le logement, l’alimentation, la santé ? La gratuité, c’est également bon écologiquement parce qu’elle nous oblige à faire des choix, parce qu’elle pose la question des limites et du partage, parce que face au capitalisme qui insécurise et gouverne par la peur, elle sécurise économiquement, elle permet donc de développer d’autres facettes de nos personnalités (ne pas être seulement un forçat du travail et de la consommation mais mille autre chose…). La gratuité, c’est enfin bon anthropologiquement car elle interfère avec la question du don. La gauche a trop longtemps oublié que le capitalisme c’est trois choses. C’est d’abord un système de production des richesses qui repose sur l’exploitation. Cela les gauches et les milieux écologistes savent encore (assez) bien le dénoncer. Le capitalisme, c’est aussi l’imposition de modes de vie et de produits qui lui sont spécifiques. Cela les gauches et même l’écologie ne savent plus trop le dénoncer. Mais le capitalisme, c’est aussi une réponse à nos angoisses existentielles (peur de mourir, sentiment de finitude), cette réponse capitaliste c’est le « toujours plus » (de richesses économiques ou de pouvoir. C’est à ce titre que le capitalisme nous donne à jouir. Nous ne pourrons passer de cette « jouissance d’emprise » à une « jouissance d’être » que si les gauches inventent leurs propres dissolvants d’angoisse existentielle…que si elles se remettent du côté de la fabrique de l’humain (moins de biens, plus de liens), que si elles renouent avec le syndicalisme à bases multiples, avec l’éco-communisme municipal, que si elles favorisent les pépinières d’alternatives (coopératives, etc). Ce combat pour la gratuité a besoin d’une traduction politique forte avec l’exigence d’un revenu garanti couplé à un revenu maximal autorisé, revenu garanti qui peut être donné principalement sous une forme démonétarisée c'est-à-dire en droits d’usage. Ce combat pour la gratuité croise celui pour la recherche de nouveaux « gros mots » pour dire le besoin d’émancipation : le « buen vivir », la vie pleine, les jours heureux, etc.

4 septembre 2012

Colloque Montreuil association POURS, Pour un revenu social… démonétarisé

Nous sommes tributaires d’une longue histoire en matière de luttes et d’acquis sociaux pour garantir à chacun ( e) le droit de vivre dignement quelle que soit sa situation personnelle. Le pacte des droits sociaux dont nous avons hérité (notre sécurité sociale) arrive aujourd’hui à bout de souffle car il correspondait à une société croissanciste qui nous conduit dans le mur. Alors que les naufragés du système sont de plus en plus nombreux et sans perspective de trouver une place dans cette société qui ne veut pas d’eux et dont eux-mêmes n’attendent plus rien, alors que la planète est DEJA assez riche pour faire vivre tous les humains, nous ne devons pas accepter les politiques de récession sociale, nous devons, bien au contraire, affirmer qu’être fidèles aux combats émancipateurs c’est être encore plus exigeants, c’est imposer un nouveau pacte de droits sociaux qui ne soit pas en retrait mais davantage protecteur, c’est imaginer un nouveau pacte qui ne nous conduise pas à défendre un système qui nous tue, mais qui nous permette de commencer à changer véritablement de société. Les adeptes d’un revenu social ne sont donc pas moins disant en matière social mais mieux disant.

Le revenu garanti est un composant essentiel de ce nouveau pacte social qui permettra d’avancer vers plus d’autonomie et d’en finir avec la centralité du travail dans nos existences. Je n’ignore rien de la qualité des débats qui opposent les partisans d’un revenu d’existence (ou citoyen) aux adeptes d’une dotation inconditionnelle d’autonomie (DIA), sans même parler de la revendication des confédérations syndicales en faveur  d’un « salaire socialisé ». Nous sommes donc tous d’accord pour dire que la société doit garantir à chacun (e ) de quoi vivre, simplement certes, mais de façon totalement sécurisée et de manière inconditionnelle. Les débats sur les formes que doit prendre ce revenu social doivent naturellement se poursuivre mais je crois que nous avons tout à gagner à ne pas cultiver ce qui nous différencie/divise mais bien au contraire à chercher une convergence qui tienne compte de notre histoire. Nous ne devons plus répéter vingt ans d’échec et plus de notre combat en faveur d’un revenu social. Nous ne devons pas davantage être dupes lorsque nos adversaires de droite comme Alain Madelin, Christine Boutin ou Dominique de Villepin parlent de « dividende social »… Ce qui nous oppose à la droite ce n’est pas seulement le montant du revenu garanti, ce n’est pas uniquement son caractère universel ou pas, inconditionnel ou pas, c’est la place qu’occupe ce revenu garanti universel et inconditionnel comme instrument de sortie du capitalisme et du productivisme. Pour le dire autrement : le revenu social n’est pas un revenu de survie… Il est lié à la notion de gratuité donc à la construction de « communs », il est donc un instrument du passage vers une autre société et non pas une façon de faire survivre les naufragés du système.

 

J’ai toujours dit ma préférence pour un revenu inconditionnel qui aurait plusieurs formes : une partie versée sous forme de monnaie nationale, une autre partie sous forme de monnaie locale (pour faciliter la relocalisation de biens socialement et écologiquement responsables) et une partie, essentielle à mes yeux; sous forme de droits d’accès aux biens communs. Je suis convaincu aujourd’hui que notre combat pour un revenu garanti doit prendre avant tout la forme de la défense et de l’extension de la sphère de la gratuité (libre accès à certains biens et services). J’en suis convaincu autant pour des motifs pragmatiques que théoriques. Les Français aiment leurs services publics notamment locaux et ils y sont attachés. Les gauches et l’écologie antilibérale disposent dans ce domaine d’une tradition et d’un vrai savoir-faire. Nous pourrons plus facilement convaincre nos concitoyens mais aussi les appareils militants que la défense des SP passe nécessairement par leur rénovation, dont la gratuité fait partie.

 

Le bon combat n’oppose donc pas les partisans que nous sommes d’un revenu garanti à ceux qui défendent les services publics mais il oppose ceux qui défendent à reculons les services publics (en multipliant les partenariats privé/public, en généralisant les abandons de droits, etc.) et tous ceux, dont nous sommes, qui veulent garantir à chacun le droit de vivre dignement. Nous pouvons prendre la tête de ce mouvement de défense des services publics en prônant la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage individuel/collectif. Le colloque co-organisé par le Sarkophage et la communauté d’agglomération les lacs de l’Essonne a montré que des petits bouts de gratuité sont conquis dans de nombreuses villes. Ici, on commence par la gratuité de l’eau vitale, ailleurs par celle des transports en commun urbains, ailleurs encore par celle des activités culturelles et des services funéraires, ailleurs on réfléchit à la gratuité de la restauration scolaire et à celle du logement social, etc. D’autres ont pu également parler d’un bouclier énergétique face à l’inflation des coûts. Le grand mérite de ce combat pour donner à chacun les moyens de Bien-vivre c’est qu’il n’apparait pas illusoire mais possible puisqu’il part du vécu de la population, puisqu’il mobilise un imaginaire qui est déjà ancré depuis des siècles (celui de la gratuité de l’école par exemple, celui aussi des droits sociaux, celui de la redistribution sociale via la fiscalité, etc.). Toutes les expériences réalisées montrent que cette façon de penser le droit de vivre dans la dignité oblige à un surcroit de démocratie, oblige à faire de la politique autrement c’est-à-dire à partir du vécu de la population, à partir des choix de gratuité qui peuvent être offerts (gratuité de l’eau vitale ou des transports en commun contre celle du stationnement urbain). Toutes les expériences réalisées montrent que cette façon de penser le droit de vivre permet de lier le contenu social et le contenu écologique, bref d’avancer vers une société antiproductiviste. Il ne s’agit pas en effet de remunicipaliser la restauration scolaire pour faire la même chose que les géants de la restauration commerciale, il s’agit d’avancer vers une alimentation relocalisée, désaisonnalisée, moins carnée, moins gourmande en eau, biodiversifiée, etc. Cette question de la gratuité du bon usage est l’un des chemins les plus directs pour arriver à lier le social et l’écologique, le rouge et le vert…

Ce combat en faveur d’une DIA démonétarisée au maximum présente en outre deux autres avantages : il oblige à faire des choix collectifs dès lors que ce sont les citoyens qui doivent décider ce qui sera gratuit donc ce qui est doit être produit en priorité et comment le produire. C’est donc une excellente pédagogie pour apprendre à différencier (selon) les besoins, c’est à dire  pour être du côté des usages, des utilités, et non pas de la valeur marchande. Ce chemin n’est pas sans embuche : admettons avec le réseau Négawatt que l’on veuille assurer à chacun non pas une certaine quantité de fioul domestique ou un certain nombre de kg watt mais un égal droit une température minimale, comment procéder ? quel niveau garantir ? Ce combat en faveur d’une DIA (ou si l’on préfère d’un revenu garanti) démonétarisé est enfin un premier pas pour réapprendre à déséconomiser nos existences et nos combats politiques (parler de droits d’accès aux biens communs est mieux que de parler de revenus financiers). Je suis convaincu que nous pouvons gagner toute une fraction des gauches existantes à ce combat (sans compromission aucune, sans rien céder sur la critique de l’économisme). Cette façon de poser le débat court-circuite les oppositions traditionnelles au revenu garanti (la préférence pour la réduction du temps de travail (32 heures tout de suite !) plutôt qu’un revenu garanti, la crainte que le revenu garanti soit une variante du « tititainement" (variante moderne de la maxime romaine antique « du pain et des jeux », le besoin de reconnaissance sociale par le travail notamment dans les milieux populaires, etc.). Cette affirmation d’un revenu garanti démonétarisé (au maximum de ce qui est possible) est enfin une façon de rappeler que la construction de communs est la seule richesse des pauvres. Nous allons ainsi bien au-delà de la seule question légitime de la redistribution. Nous commençons déjà par changer de société, par prôner un égalitarisme radical.

 

Ce combat pour les biens communs et leur gratuité se développe sur tous les continents. Son parangon reste la guerre de l’eau à Cochabamba, en Bolivie, où une insurrection sociale est parvenue à s’opposer à la privatisation et a marqué le début, en avril 2000, du cycle de manifestations qui conduiront Evo Morales à la Présidence de la République. Nous pouvons avec la DIA démonétarisée mettre la question des « communs » au cœur de notre combat.

« Commune » est un mot latin composé de deux racines, cum qui signifie « avec » et munus qui veut dire « don ». Commun se rapporte donc au don par lequel on est lié aux autres du fait même de l'avoir reçu, avec et comme les autres. Le commun n'est donc pas un ensemble de biens qui n'appartiendrait à personne et que tout un chacun pourrait utiliser librement. Il ne faut pas confondre le commun avec ce que le droit romain qualifiait de res nullius (la chose sans maître). Le commun est un don qui oblige à rendre donc il est avant tout une relation. Ce qui signifie qu’il n'y a pas de biens communs en soi (comme l’eau ou l’éducation) donc que notre combat doit être de convaincre tous ceux qui se contentent de vouloir l’eau vitale gratuite, qu’il faut aller beaucoup plus loin dans ce domaine, que c’est nécessaire écologiquement, socialement, culturellement, politiquement, anthropologiquement. Le danger de la conception restrictive en vogue au sein de l’altermondialisme est en effet de faire des « communs » une simple exception aux biens marchands. Si on peut imaginer de commencer par la gratuité de l’eau vitale ou celle des transports en commun urbains, il s’agit bien de poursuivre ce mouvement au-delà de ce qui est strictement vital. Ainsi en lançant en Janvier 2009, l’appel pour des « produits de haute nécessité », Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant et autres poètes et militants des Antilles fondaient ce qui allait devenir une poétique de l’existence qui n’est pas sans rappeler le mouvement pour le Buen-Vivir. Si un revenu garanti universel, inconditionnel et au maximum démonétarisé est une des conditions du socialisme de la décroissance, du socialisme gourmand dont je rêve, cela signifie qu’il ne s’agit nullement de partager des biens vitaux (même si cela est nécessaire). Il s’agit donc d’inventer un nouveau socialisme qui ne soit plus celui de la misère que dénonçait Marx mais pas davantage cette mauvaise copie du productivisme que fut le socialisme réel. Je crois enfin que nous devons soutenir avec force le principe de l’inconditionnalité pour ne pas risquer de réintroduire en contrebande une vision trop économique du monde/ de la vie. Le fameux donner/accepter/rendre concerne le domaine des ressources nécessairement rares mais il ne peut régir celui des relations inépuisables qui fondent l’humanité en chacun de  nous.

 

Ces questions sont d’autant plus importantes que certains courants de la décroissance sont portés vers une approche néo-malthusienne.  Il ne s’agit pas (principalement) de partager parce qu’il y a peu (le fameux « on va manquer ») mais parce que le partage est du côté de la jouissance d’être, seul principe anthropologique que nous pouvons opposer à la jouissance d’avoir (in Paul Aries, le socialisme gourmand, La Découverte, mars 2012). Notre choix de construire des « communs » est donc d’abord l’affirmation de la primauté du don, mais d’un don libéré de la contrainte de rendre. Je préfère parler d’un don sans retour, d’un don de pure générosité, de pure frivolité, un don qui nous renvoie davantage aux stratégies d’embellissement y compris dans le règne animal qu’à de sombres calculs d’apothicaires, un don qui permette d’imaginer une intention gratuite, bref de l’amour.

 

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