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Paul ARIES - Site Officiel
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18 octobre 2012

Nationalisme européen

 

 

Par Mathieu Agostini, écologiste (Front de gauche), Paul Ariès, rédacteur en chef La vie est à nous ! / Le sarkophage, Aurélien Bernier, essayiste, et Corinne Morel-Darleux, Conseillère régionale (Front de gauche).

 

On pouvait croire que tous les arguments européistes, même les plus absurdes, avaient été servis à l'occasion de la campagne référendaire de 2005 sur le traité constitutionnel européen : l'Europe garante de la paix, qui protège, qui permet de dépasser les égoïsmes nationaux, qui avance vers la mondialisation heureuse... Erreur. Le 1eroctobre, dans une tribune publiée sur le site du journal Le Monde, deux élus d'Europe Écologie allaient encore plus loin dans le prêche fédéraliste : face à la montée de l'influence asiatique, des pays du Sud, de l'Islam, et même de l'Afrique, la construction européenne serait le dernier rempart pour préserver les « valeurs occidentales ». Raison pour lesquelles il faudrait aujourd'hui accepter le traité de stabilité, de coordination et de gouvernance (TSCG), et, d'après les auteurs, tout projet venant de Bruxelles au nom de l'unité : « En ces temps de crises et de tensions où hommes et femmes politiques travaillent à la construire, [l'Europe] ne doit subir aucun recul. » (1)

 

On sera stupéfait par le « nationalisme européen » dont font preuve les auteurs, qui exaltent l'Europe comme d'autres exaltaient par le passé la France ou la grande Allemagne, reprenant à leur compte la théorie du « choc des civilisations » qui a façonné la politique internationale d'un George W. Bush ou d'un Nicolas Sarkozy. Mais ce qui glace le sang, c'est surtout cette faculté qu'ont ces écologistes d'accepter l'inacceptable au nom d'un fantasme, d'un paradis dont nous nous éloignons un peu plus chaque jour. L'Union européenne (ce processus politique qu'il ne faut justement pas confondre avec « l'Europe ») a beau s'adonner au libéralisme le plus sauvage, participer activement à la destruction de la planète avec sa politique agricole commune ou sa complaisance vis-à-vis des multinationales, démanteler avec ferveur les services publics, protéger les intérêts de la haute finance ou de ses paradis fiscaux et mettre à genoux les peuples grecs, espagnols et portugais, il faudrait en passer par là pour que « l'Europe » soit, un jour, un idéal de démocratie, de progrès, d'écologie et de justice sociale. Demain, on rase gratis. Mais aujourd'hui, le peuple paie, à grands coups de politiques austéritaires.

 

Or, plus personne ou presque dans les classes populaires et dans les classes moyennes ne croit à des lendemains qui chanteraient grâce au fédéralisme européen. Un sondage Ifop publié le 17 septembre dans Le Figaro donnait des résultats sans appel. Les conséquences de la monnaie unique européenne, l'euro, sont jugées « nettement négatives sur la compétitivité de l'économie française » par 61 % des sondés. 60 % rejettent une intégration européenne renforcée avec une politique économique et budgétaire unique. Enfin, si le référendum sur Maastricht avait lieu à nouveau, 64 % des personnes interrogées voteraient « non ». Comment ne pas voir que l'européisme benêt, qu'il soit « vert », socialiste ou centriste, ne fait que renforcer l'abstention et le dégoût de la politique ? Pire, il ouvre en grand la porte au Front national en France, aux néonazis d'Aube dorée en Grèce, et, d'une manière générale, à l'extrême droite partout en Europe.

 

Le véritable changement passe par un tout autre chemin que celui d'une construction européenne vouée au libéralisme. Dans l'immédiat, il faut rejeter les politiques d'austérité contenues dans le TSCG et voulues par les élites bruxelloises et les marchés financiers. Mais il faut surtout se préparer à désobéir à l'Union européenne et à sa Banque centrale pour mettre en place un véritable programme de gauche. Le droit communautaire nous empêche de contrôler les flux commerciaux ou les mouvements de capitaux, de taxer plus fortement les richesses, de développer les services publics et la gratuité ? Et bien nous devons refuser cet ordre juridique illégitime et restaurer la primauté du droit national sur le droit communautaire. En prouvant par l'exemple qu'il est possible de rompre avec l'eurolibéralisme, nous créerons un électrochoc qui dopera les mobilisations sociales dans tous les Etats membres, provoquant des bouleversements politiques et ouvrant de nouvelles perspectives d'alliance.

 

Alors, nous montrerons qu'il est tout à fait possible de coopérer, de faire converger (vers le haut !) des régimes sociaux et fiscaux, des politiques monétaires et commerciales, par des négociations entre États souverains et démocratiques, et non par le transfert de souveraineté à des structures antidémocratiques. Nous montrerons que la question écologique a besoin d'internationalisme  c'est à dire de coopérations entre Nations partageant un même objectif  et non de l'asphyxie des États et de leurs peuples sous couvert d'européisme ou de mondialisme. Nous montrerons enfin qu'il faut repenser la propriété des moyens de production pour les socialiser, car la protection de l'environnement a besoin de planification plutôt que d'être abandonnée aux mains invisibles et prédatrices des marchés.

 

En 1984, un autre écologiste écrivait avec brio : « Ce que nous devons chercher, c'est le moyen de poursuivre une voie de progrès économique et social, si possible avec tous nos partenaires du traité de Rome, et le cas échéant sans eux, mais avec tous les pays tiers qui le voudraient. » (2).Nous pensons que cette phrase, largement reniée depuis par son auteur, n'a jamais été aussi juste.

 

 

(1) « Ecologistes, nous devons ratifier le traité européen », par Leïla Aïchi, sénatrice (EELV) de Paris, et Robert Lion, conseiller régional (EELV) d'Ile de France, Le Monde.fr, 1er octobre 2012.

 

(2) Alain Lipietz, L'audace ou l'enlisement, La Découverte, 1984.

 

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